L’origine du mot fraternité dans la devise Liberté Égalité fraternité ? (1/2)
Liberté Égalité Fraternité est la devise de la République française et, depuis 1987, celle de la République d’Haïti qui a ainsi renoué avec la mémoire ancestrale des esclaves rebelles qui ont arraché leur indépendance en criant ce mot d’ordre.
La fraternité n’est pas qu’une notion morale, un vœu pieux d’harmonie générale, il s’agit véritablement d’un pacte politique d’affirmation du bien commun qu’est la dignité inconditionnelle des êtres humains. Un tel contrat fonde des obligations fraternelles : solidarité, justice et volonté de faire cause commune dans la lutte contre l’oppression, fût-ce d’une minorité.
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, pourquoi vous raconter l’introduction du mot fraternité qui fit la devise trine ? Parce qu’elle est liée à l’histoire de Saint-Domingue, l’actuelle Haïti où je suis née ? Oui, mais aussi parce que le rappel de cette leçon d’humanité est indispensable quand se multiplient les discours de haine cherchant à séparer les gens, autant dire, diviser pour régner.
Dès lors, remontons le temps : de 1627 jusqu’en 1804, Saint-Domingue est la colonie française de la partie occidentale de l’île prospère d’Hispaniola où est pratiquée une des formes d’esclavage les plus meurtrières de l’économie de la plantation esclavagiste.
La fertile Saint-Domingue, qui représente, à l’époque, plus du tiers de la balance commerciale extérieure du royaume de France, produit café, cacao, coton, oranges amères, indigo et surtout le sucre de canne, négoce alors super fructueux. Comme l’est également la traite négrière atlantique dans la mesure où le taux de la mortalité, lors de la traversée océane, diminue avec le temps et l’expérience du transport de la chair humaine qui est, de toute façon assurée, comme, il s’entend de tout stock de bien marchand.
À Saint-Domingue, l’achat d’un esclave étant amorti en deux ou trois ans, traiter correctement le bétail humain n’a aucun intérêt financier. Les propriétaires rentabilisent l’investissement en réduisant les coûts d’entretien et en exploitant au maximum les esclaves sur les champs, en clair, les forçant à travailler jusqu’à ce que mort s’ensuive où la marchandise crevée est illico remplacée par d’autres captifs. La durée de vie des asservis n’excède pas dix ans. La colonie de Saint-Domingue est la source de revenus colossaux et d’accroissement du pouvoir des familles de la noblesse et de la haute bourgeoisie, lorsque les cadets osent prendre la mer. S’installer dans le Nouveau Monde est entreprise aventureuse qui compte pas mal de risques : maladies tropicales et vénériennes, révoltes constantes d’esclaves, empoisonnements, pirates, rivalités entre planteurs…
Mais qui tire son épingle du jeu cruel du négoce colonial et de la dangerosité d’une société hyper inégalitaire peut se bâtir, du moins, une fortune, sinon une situation de colon plus luxueuse et jouissive qu’en Métropole non esclavagiste.
En effet, le corps des esclaves est à portée de main des propriétaires, brutalisé et totalement soumis à l’usage du maître et de ses pulsions de viol légal.
De l’autre côté de l’Atlantique, imaginez l’épreuve effroyable vécue par les civilisations de l’Afrique de l’Ouest où la traque des humains est devenue coutume marchande. Concrètement, ce sont des royaumes dressés les uns contre les autres, des guerres sans fin propices à un brigandage imprévisible qui dépeuple les grandes villes et les villages, dont les habitants sont obligés de fuir dans la brousse et en forêt, loin des zones de vie organisée avec les cultures vivrières, les marchés, les structures d’exploitations minières et de transformation des métaux, les lieux de culte, les palais… Imaginez les survivants qui font ce qu’ils peuvent, dans l’équivalent de la guerre de Cent Ans pour la France, mais quatre fois plus longue.
Au cours du XVIIIe siècle, le problème des esclavagistes est que la ponction de la traite négrière déstructurant et affaiblissant les sociétés africaines, la chasse à l’homme apporte moins de butin.
Avec la raréfaction de l’offre, le prix des razziés augmente. L’élevage des esclaves devient alors envisageable.
Aux États-Unis, les planteurs choisissent cette solution, dans laquelle l’abolition de la traite des Africains razziés n’est pas synonyme de fin de l’esclavage. Seulement d’une transformation du processus d’exploitation de manière que l’assujettissement du bétail humain soit compatible avec la fonction de reproduction.
Mais, sans doute parce que la richesse phénoménale que génère la canne et les autres denrées précieuses ont développé à Saint-Domingue une mentalité ultralibérale aussi précoce que féroce, les planteurs blancs imaginent une politique discriminatoire permettant d’éliminer leurs rivaux de couleur.
C’est que dans les colonies françaises, certains colons ont pris des esclaves africaines pour maîtresse officielle, donc concubine, comme le père du chevalier de Saint-George, voire pour épouses.
Souvent affranchis par leurs pères, en tant que libres de couleur, ils forment une classe de petits planteurs et de colons mulâtres.
Ne jouissant pas des mêmes droits politiques que leurs homologues blancs, moins riches, mais souvent mieux instruits que ces derniers, les libres de couleur possèdent des terres et des esclaves.
Une précision démographique de taille : à la veille la Révolution française, à Saint-Domingue, bien que la proportion d’esclaves ait diminué, neuf individus sur dix sont dans les fers. Le Code noir régit leur sort de biens meubles héréditairement transmissibles : tel est le statut juridique de l’Africain captif et ses descendants.
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, la 2e partie de l’article est ici et pour ceux qui le souhaite, on se quitte avec One Love de Bob Marley tiré de l’album Exodus, sorti en 1977.
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