ADIEU STÉRÉOTYPES GENTILLETS ! BONJOUR MAUVAISES FILLES !
Ces femmes qui ont largement dépassé les limites sont pirates, par hasard, vengeance, goût de l’aventure, nécessité, volonté de fuir la condition féminine, globalement, rikiki.
Dans Femmes Pirates Les écumeuses des mers de Marie-Ève Sténuit, paru en 2015, aux Éditions du Trésor, la galerie des infréquentables commence par Alfhild de Godtland, la fille de Siward, roi d’une île suédoise.
Bon, la vie assez rude, au Ve siècle, sous ces latitudes, n’en a jamais fait une princesse Disney ! Cependant, elle tient bien son rang. Puis vient le temps de la marier. Le roi décide que le prétendant à sa main devra tuer deux vipères gardant sa porte. Le hic : la tête décapitée des perdants est exposée sur une pique. L’alignement macabre ne décourage pas le rusé prince Alf qui liquide les vipères.
Tant mieux, sa tête est fort belle et, ravie, la princesse Alfhild consent à l’épouser. Trop vite au goût de sa mère qui lui reproche d’être une fille facile. Là, ça dérape ! Princesse Alfhild disparaît habillée en homme. Elle enrôle d’abord des femmes, navigatrices et guerrières.
Le monde des Vikings est, il est dit page 20,
une des seules civilisations européennes qui ne semble pas avoir ressenti de malaise face à l’association femme-bateau.
Avec un équipage mixte, la princesse métamorphosée pille les richesses des navires croisant sa route, tandis que le prince Alf, qui est aussi un peu pirate, part à la recherche de la belle dont il a gagné la main…
Intime est aussi le ressort de Jeanne de Belleville, épouse du chevalier Olivier III de Clisson. L’exécution sans procès de son mari par le roi de France, Philippe VI de Valois, transforme la veuve en un monstre vengeur contre la maison de Blois dont elle pille les châteaux des alliés. Ensuite, elle traque sans relâche les navires marchands français. Jeanne de Belleville ne fait pas de quartier, pas de prisonniers. Elle extermine avec une cruauté inouïe.
Sous un déguisement masculin, Mary Read, la pirate romantique a fait partie de l’équipage de Jack Rackam, alias Calico Jack.
À cette époque, Jack ou John Rackam, selon les sources, a pour maîtresse et second, Anne Bonny, une rousse aussi séduisante qu’impitoyable et qui revêt le pantalon lors des combats. Partout en Europe, des femmes pauvres ont dissimulé leur genre afin d’entrer dans les rangs de l’infanterie et de la marine. Ou tenter leur chance dans la piraterie.
En habits d’homme, les Françaises Louise Antonini et Julienne David connaîtront l’emprisonnement dans les pontons amarrés devant Plymouth, Portsmouth… c’est-à-dire des prisons marines, des « catacombes flottantes où l’Angleterre laissait pourrir les prisonniers de guerre » p. 98
Ching Yih Saou devient, après la mort de son mari, le « Fléau de l’océan oriental ». Madame Ching règne sur la mer de Chine à la tête d’une flotte de huit cents grandes jonques et mille petites. Soit, soixante-dix mille hommes que l’amiral matriarche commande d’une main de fer. Le règlement punit de mutilation les actes mineurs et de mort, le vol et le viol non autorisé. Le sort des prisonnières dépend de la rançon que leurs familles sont prêtes à verser. Quant aux femmes pauvres, les pirates payent pour les abuser. Grand stratège, la veuve Ching tient tête à la flotte impériale.
Voilà quelques-unes des figures excessives de Femmes Pirates Les écumeuses des mers, le récit cosmopolite et facile à lire de Marie-Ève Sténuit qui présente des biographies aventureuses, entre bravoure et horreur.
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, dans Die Dreigroschenoper de Kurt Weill et de Bertold Brecht, la chanson s’appelle Seeräuber Jenny (ici interprétée par Lotte Lenya) ; dans la version anglaise The Threepenny Opera, c’est Pirate Jenny (ici interprétée par Nina Simone et ici par Ute Lemper) ; et dans la française L’Opéra de quat’sous, c’est Jenny des Corsaires ou La Fiancée du pirate qu’on désigne aussi comme La chanson de l’humiliation (ici par Juliette Gréco en 1953).
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