Me voici
barque friable
Mais aussi
granit où butent les hivers.
Me voici
âme aux abois
Mais aussi
cœur qui absorbe le monde.
Me voici
en aile-libre
Mais aussi
nid-de-chair.
Me voici
affrétant toutes les patries d’avenir,
Mais aussi
martelé d’âges.
Me voici
en reflets
Mais aussi
en racine.
Me voici
oiseau d’algues,
Mais aussi
continent.
Me voici Te voici
Ô mon pareil
Ô partout
Partout est une poésie d’Andrée Chédid tiré du recueil Poèmes pour un texte (1970-19991), paru en 1992n chez Flammarion, dans lequel certains poèmes « stigmatisent les malheurs du Liban ou sont un hymne à la fraternité » (Poèmes de femmes, Régine Deforges, Le Cherche Midi, p. 113)
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, Andrée Chédid (1920 – 2011) est née au Caire dans une famille d’origine syro-libanaise.
Romancière, poétesse, dramaturge, nouvelliste, auteur de livres pour la jeunesse et de chansons, cette femme de lettres prolifique célèbre la condition humaine dans une langue fluide et ciselée, tendue entre l’Occident et l’Orient, qui dénote un esprit noble et généreux, à la sensibilité finement sensuelle et toujours éprise de liberté au sens exigeant du terme, puisque, ayant placé l’amour au centre de son œuvre, elle porte une attention particulière à la vulnérabilité des êtres. Deux de ses célèbres roman ont été adaptés au cinéma, Le Sixième Jour (1960) où la chanteuse Dalida est la bouleversante lavandière Saddika et L’Autre (1969).
D’Andrée Chédid qu’il qualifie de visionnaire du sensible et du charnel, Pierre Béarn dit : « Côté érotisme, elle était trop passionnée d’amour, de vie, de sensualité, pour ne pas y succomber de temps à autre. Mais dans ce recueil [Contre-chant], il faut atteindre la page 80 pour découvrir une fugitive présence » (p. 143).
Restons encore un peu dans la famille Chédid, avec le chanteur, auteur, compositeur et multi-instrumentisme M, petit-fils de la poétesse, et sa reprise de cette promesse de chair-de-poule-à-coup-sûr qu’a offerte Alain Bashung avec Madame rêve, la chanson dont on peut dire que, oui, c’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule d’érotisme tout en finesse, tout en monsieur Bashung…
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, les peintures accompagnant la poésie d’Andrée Chédid sont de Jacqueline Devreux, une artiste belge qui est également photographe (voir son site web ici). Et quel que soit l’espace, pictural ou photographique, une ambiguïté reine ensorcelle son art si apprécié des Vagabonds sans trêves que les photographies leur ont inspiré une vidéo et les peintures, plusieurs articles (1, 2 & 3). Où peut-on voir le travail de Jacqueline Devreux ? Il est exposé, en autres, à Bruxelles, dans la galerie Pierre Hallet et à Paris, dans la galerie Rauchfeld.
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