Une nouvelle pour les allergiques à l’esprit de Noël tradi, cute, kawaï
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, derrière sa couverture mini avec la petite fille dans le caddie, Le Père Noël est paffé de Marie-Hélène Branciard rétablit quelques vérités tranchantes :
On était à la veille de Noël et la rue s’était vêtue de son pire fond d’écran, blanc sale avec des traces de pneus qui salissaient tout sur leur passage. (p. 4)
Si on se faisait à l’idée que Noël est d’abord une aubaine pour le commerce, avant d’être une célébration religieuse et, plus largement, une fête de famille, on ne trébucherait pas douloureusement sur la bûche et le reste… La période serait moins anxiogène. Surtout pour les êtres largués, comme Doll, la narratrice :
Ben ouais, Alice m’a quittée. (p. 3)
Que faire ? Le plein de Téquila ! Eh, quel choix sûr ! C’est la seule chose qui l’est dans ce récit où, au détours d’un rayon de supermarché, en moins de deux, tout bascule… C’est l’embrouille : en plus du cœur brisé, Doll se retrouve avec une gosse de trois ans sur les bras !
Le Père Noël est paffé, cette nouvelle de Marie-Hélène Branciard qui tient en haleine, est dans la veine de son roman noir #Jenaipasportéplainte (lire ici). On retrouve son univers actuel, ancré dans une réalité sociale peu explorée, car les personnages sont féminins, queers et atypiques.
Ceci dit, ils sont, avant tout, attachants, humbles et sublimes, bien incarnées, avec leur langue cash, drôle et désemparée, et leurs états d’âme vaguement piteux comme tout le monde quand le monde mal embouché déçoit, semble s’acharner sur soi. Leur marginalité est d’une étrangeté tellement moins inquiétante que le moche et minable de l’ordre établi, la société obsédée par l’exaltation de la loi du plus fort menaçant la liberté des héroïnes…
Chez Marie-Hélène Branciard, les thèmes sont l’amour et l’amitié, les liens tissés d’autant plus imparfaits que profonds, le non-conformisme débouchant sur la solidarité, la dignité humaine malgré tout, d’une façon ou d’une autre, de toutes les façons, même et surtout inaperçue… En fait, la résistance au déni de l’autre, femmes, enfants, LGBTIQ qui n’est pas accidentelle : le viol et la violence conjugale sont les corollaires du système de domination patriarcale et raciste.
Disons, en vrac, vocabulaire vulgaire, entendez vigoureux ; références au cinéma, aux séries télé US, à la musique qui adoucit les mœurs et la loose sur laquelle planent les ombres citées des deux D : Djian et Despentes ; écriture faussement relâchée tirant sa force de la description du mal qui ne fascine pas et contre l’emprise duquel les personnages désabusés et tendres ont plus d’un tour dans leur sac, à défaut de hotte, puisque, pas de pot, vraiment, oui, Le Père Noël est paffé…
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, on se quitte avec Pars de Jacques Higelin cité dans la nouvelle qui est disponible en deux versions, papier ou numérique :
Pars, surtout ne te retourne pas
Pars, fais ce que tu dois faire sans moi
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