À l’injonction : sois Noire et tais-toi ! Une jeune réalisatrice française répond : non !
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, il me tarde de voir le documentaire Ouvrir la voix d’Amandine Gay qui donne, deux heures durant, la parole à une vingtaine de femmes noires résidant en Belgique et en France. Des intervenantes, entre dix-huit et cinquante ans, s’y racontent et racontent leur vision du quotidien : école, travail, discriminations, sexualité, représentation de soi et des autres, prises de conscience…
Qu’est-ce qui me prend d’écrire un article sur un film que je n’ai pas vu ? Disons, je pense utile de parler du bien-fondé du projet. D’abord, pourquoi ce titre : Ouvrir la voix ? Peut-être parce qu’à force de pas ou peu les entendre dans l’espace audiovisuel, on peut presque en venir à douter du fait que les femmes noires aient l’usage de la parole. Entre parenthèses, je précise qu’être Blanc ou Noir est une notion sociopolitique se référant moins à la couleur de peau, qu’à des positions définies par les a priori structurels fabriquant des inégalités qui favorisent les personnes perçues comme blanches au détriment de celles qui sont perçues comme noires ou trop foncées. Que la couleur puisse rendre compte de la valeur d’un individu est un acquis culturel récent et non une évidence naturelle. Pendant des siècles, les historiens ne mentionnent pas cet élément, si bien que nous connaissons la beauté légendaire de Cléopâtre, pas sa couleur de peau.
Revenons aux femmes noires. La plupart du temps, elles sont ce dont on parle et non celles qui parlent et, quand elles sont autorisées à le faire, leur parole est reléguée aux mêmes thèmes : mariage forcé, polygamie et surtout excision… Des fléaux à bannir, mille fois oui, mais l’attention « comme il faut » concentrée sur eux est synonyme de désintérêt pour d’autres priorités. Est-ce d’avoir écrit un essai sur la pudeur que ça me fait penser à la phrase du poète, écrivain et essayiste Bernard Noël : Le bon goût est une façon d’accommoder d’oubli la mort des autres ? (L’Outrage aux mots, p. 166, éd. Jean-Jacques Pauvert, 1975)
En fait, les Afropéennes sont un peu la terra incognita du XXIe siècle, une intelligence de la condition humaine et de la réalité citoyenne disparue sous les clichés sensationnalistes, les caricatures des médias, l’indifférence ou la dilution dans la cause féministe majoritaire, blanche et bourgeoise. Résultat, dans la représentation des Noires, le fantasme culturel éculé domine, qui oscille, comme celle des handicapés, entre deux pôles : le glorieux et le misérable, la figure héroïque et la figure pathétique.
Entre la notoriété qui échappe à la fatalité de sa condition, mais pas toujours à l’oubli d’une certaine histoire des nations et des grands hommes et la victime concentrant dans sa chair toute la misère de son dénigrement, peu de voix recevable, peu de vie audible. Pourtant, il y a bien une foule de personnes occupées à leur existence d’une foule de manières dépendant de leurs revenus, milieu social, niveau d’instruction, origine de leurs ascendants, mais cette foule d’existences, actions, compétences et courages reste inaperçue, comme sont tues des difficultés réelles : par exemple, les diplômés noirs, et a fortiori femmes, peinant à trouver un emploi, louer un local commercial ou un cabinet dans lequel exercer une profession libérale…
Le harcèlement sexuel (dans l’espace publique et professionnel), par les hommes blancs, des femmes noires, métisses, magrébines et asiatiques, la sempiternelle présomption d’être une prostituée ou une fille accessible sont d’autres thèmes difficiles à aborder… Comme il est épuisant de tenter d’en débattre avec ceux n’ont rien vu ou qui racontent le futur des races n’existant plus, alors, on continue se taire et marcher au milieu de l’hier toujours présent dans les esprits. Des esprits un peu tête en l’air ou oublieux de la nausée que refilent certaines images, telles les mises en scène pornographiques, sous couvert d’anthropologie, de la nudité primitive des « indigènes exotiques » abondamment imprimées sur les cartes postales à une époque où il n’était pas décent de montrer le genou. Comment ça, c’est du passé ? Pourtant, il suffit d’ouvrir les yeux pour constater que les musées des Beaux-Arts exposent des siècles d’utilisation du corps des femmes africaines ou d’ailleurs en tant qu’objet érotique, comme dans la peinture ci-dessus d’Heyman Dullaert, un élève de Rembrandt peu connu.
Cette œuvre, longtemps, prise pour une scène de rescapés d’un naufrage est, en fait, inspirée d’un épisode du Décaméron : Cimon et Éphigène. Absente dans la nouvelle de Boccace, la femme noire dénudée symbolise la force du désir qui s’éveille en Cimon sitôt qu’il découvre, vêtue d’une fine chemise blanche, Éphigène : « la plus belle chose qui eût été jamais vue par homme vivant ». Pourquoi, devant cette toile et d’autres, ne pas s’interroger sur ce qu’on voit et ce que ça signifie afin de prendre des distances avec les stéréotypes que l’héritage séculaire de représentation sexuelle des Noires a imprimé dans l’inconscient collectif et qui influence le regard et les actes ?
C’est le bon sens même ! Or, il semble qu’autour des Noirs, le bon sens ne soit plus, comme dit René Descartes, la chose la mieux partagée. Dans la suite de ce passage du Discours de la méthode affirmant que « le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes », je retiens l’argument que l’erreur ou l’illusion de vérité naît d’une mauvaise utilisation de la raison. Croire n’est pas savoir : l’opinion n’est pas la connaissance. Mais, comme le développe le philosophe et anthropologue français François Flahault dans Le sentiment d’exister, un essai accessible en ligne, le mérite de la croyance étant de soutenir notre sentiment d’exister, nous aimons croire les opinions qui nous renforcent ou nous flattent jusqu’à ce que la vie se charge de nous faire changer d’avis.
Qu’elle prenne la forme du déni, du conformisme ou de l’hypocrisie, l’adhésion à l’opinion se fait l’alliée du racisme qui plaide la faute individuelle renvoyant les êtres exposés aux discriminations à leur manque de talent, de confiance en soi et autres inaptitudes personnelles qui les empêcheraient de trouver leur place dans une société dont les fondements sont inégalitaires. A-t-on eu recours à la psychologisation des ouvriers qui cherchaient aux XIXe et XXe siècles à améliorer leur sort ? Comme à moi, leur a-t-on pointé une difficulté intérieure qui appelle un travail sur l’estime de soi ? C’est possible ! Après tout, à la fac, j’ai étudié, dans un cours de sciences sociales, qu’il s’est trouvé des médecins pour affirmer que le travail dans les mines et les ateliers n’était pas dommageable à la croissance des enfants.
C’est en mobilisant et fédérant, pendant trois ans les énergies de la marge, qu’Amandine Gay, une afro-féministe lyonnaise de trente-deux ans, a concrétisé son projet de film. Pourquoi afroféministe ? Parce que n’ayant pas choisi entre la cause femme et la cause noire, elle lutte à la fois contre la société patriarcale et les discriminations systémiques visant les racisés, comprenez les personnes empêtrées dans les rets de la fiction raciale. Son mémoire de fin d’études : Les enjeux du traitement de la question coloniale dans la société française, est consultable en ligne.
Ouvrir la parole afin que les femmes noires bénéficient d’un droit de réponse n’est pas franchement une évidence. Bien que les lois qui régissent le droit de réponse diffèrent, dans la plupart des pays européens, ce principe existe qui veut que toute personne lésée par un discours journalistique ait le droit de publier sa version. Mais, en pratique, les femmes noires n’ont qu’à ronger leur frein, face au tissu de faussetés, de fantasmes et d’abus de langage, en somme, le mélange banalisé de censure et de sensure (au sens de Bernard Noël), dont elles font l’objet dans l’espace audiovisuel, tandis que les proches blancs, conjoint, familles, amis ne cillent pas vite, n’y trouvent pas grand-chose à redire. L’exaspération du proche à la peau les étonne davantage que l’ordre des choses qui, selon eux, va de soi…
Pourquoi, dans une société de grande passion de la liberté d’expression, le silence obligé d’une partie de la population suscite si peu de sympathie ? Parce que voilà : on peut demander réparation à un journal, mais pas à une culture dont la croyance est hantée par le rêve de supériorité. Car il s’agit bien d’orgueil, au sens de l’hubris ou démesure de l’antiquité grecque qui empêche le groupe majoritaire de sortir du conditionnement de l’éducation et de son monologue familier pour écouter « l’autre » qui, parfois, n’a d’autre que la couleur de peau.
Alors, de la même façon qu’aux femmes et aux homosexuels soucieux de leurs droits réels est rappelée la situation de l’Arabie Saoudite, aux Noirs réfléchissant des mécanismes de domination et l’organisation des pouvoirs, est brandi le repoussoir des États-Unis. En suivant la même logique, j’imagine qu’au lieu de lutter pour leur émancipation aux XIXe et XXe siècles, les prolétaires occidentaux auraient dû écouter les voix opposant que les conditions de survie des indigènes étaient bien pires aux colonies. Taxer de radicale la volonté de penser la cause noire ou d’autres causes sociétales qui, au reste, sont, d’abord, une question de liberté et de droits humains qui sont affaire de tout le monde, c’est comme traiter d’extrémistes les végétariens sans jamais songer à l’extrémisme des bombes sanitaires à retardement que sont les élevages concentrationnaires d’animaux que la plupart mangent. Le message urgent n’est-il pas : pour votre santé et celles de vos enfants, regardez la qualité de la chair animale dans votre assiette ? Considérez que, dans le capitaliste débridé, la condition de la Terre Mère n’est pas celle d’un sujet, mais d’un esclave ? Et c’est ainsi que les millénaires d’ingéniosité humaine appelés agriculture sont devenus des activités stupides et abrutissantes.
En relayant le sort des Afro-Américains et leurs meurtres perpétrés par la police, les médias européens laissent entendre que chez nous il n’y a pas de question noire : n’est-ce pas qu’on est ouvert d’esprit puisqu’on dénonce la tragédie sociale outre-Atlantique ? La posture de tolérance flatteuse permet la reproduction des inégalités systémiques tout en fignolant l’image de terre d’accueil qui a accepté Joséphine Baker et James Baldwin, défendu Angela Davis et Nelson Mandela, a été enthousiasmée par l’élection de Barack Obama. Par conséquent, le refoulement de la condition noire vers la marge reste, largement, irréfléchi, notamment dans le monde universitaire et la sphère culturelle, comme, n’inquiète pas le fait que les Noirs de France et d’Afrique trouvent à se spécialiser et travailler à hauteur de leurs compétences aux États-Unis ou encore y enseigner dans des universités prestigieuses…
L’essayiste afro-américain Ta-Nehisi Coates n’est pas dupe lorsqu’il dit à son fils Samori :
Nous ne sommes pas le « problème » particulier des Français, ni leur fierté nationale. Nous ne sommes pas leurs nègres. Si cela peut sembler réconfortant, ce n’est pas à cette forme de réconfort que je t’encourage à céder. (Une colère noire, p. 167)
Le documentaire Ouvrir la voix se veut une réappropriation de la narration par des Afropéennes qui expriment, de manière articulée, leurs interrogations, constats, colères, rires, desseins… Ce film propose aux silencées des repères permettant de conjurer le sentiment d’isolement dans l’uniformité et de dépasser l’insularité du mutisme faute de savoir quoi dire au milieu du racisme sournois et diffus, car :
Alone, all alone
Nobody, but nobody
Can make it out here alone. Maya Angelou poème Alone
Le fardeau de cette situation sociale liée à la couleur est finement présenté dans la nouvelle Les sœurs de Marie Ndiaye en avant-propos du livre de son frère Pap Ndiaye, La condition noire. Essai sur une minorité française, Calmann-Lévy, 2008. La romancière Marie Ndiaye évite le cliché du mal-être, à première vue, plus envahissant chez la sœur au teint foncé et aux cheveux frisés, Victoire dont la confiance en soi est aussi inébranlable que joyeuse. Paula, à la beauté acceptable : peau claire, yeux noisette et cheveux châtains et souples, se retranche dans une timidité de plus en plus farouche, jusqu’à l’échec social qui laisse croire que l’agressivité est perdante où triomphe la résignation stoïque de Victoire. Pourtant, un jour, son masque impassible tombe qui, durant un instant, dévoile le visage du ressentiment, dur, hostile, froid.
Je ne saurai trop vous recommander de regarder les extras d’Ouvrir la voix sur internet.
Ces courtes vidéos présentent les vécus communs et une variété de perspectives ignorée par le cinéma, le théâtre, la télévision et la littérature qui cultivent le racisme flagrant ou larvé et l’exotisme peu ou mal parlant des rôles de sans-papiers, SDF, prostituée, banlieusarde paumée, nounou, femme de ménage, serveuse inutile à la narration, droguée pas toujours crédible…
Et tant pis pour celles qui dépensent leur énergie à lutter contre cet imaginaire négatif, puisque seul importe de continuer à véhiculer les platitudes ethniques : la croyance que les femmes noires sont incapables, inadaptées, insignifiantes, animales, sauvages et chaudasses, en fait, des corps étrangers, éternels primo-arrivants…
Où, sur scène et à l’écran, les Blanches peuvent, malgré le carcan du sexisme, explorer leurs mystères, subtilités, contradictions, fêlures… les Noires sont condamnées à collaborer avec la médiocrité de l’inconscient collectif et matérialiser l’image limpide et déplorable qu’on a d’elles. Amandine Gay sait de quoi il en retourne : ayant fait le Conservatoire d’art dramatique, elle fut quand même vouée aux rôles de figuration prévisible.
Il n’empêche, comme le Centre national du cinéma et de l’image animée ou CNC n’a pas jugé digne d’attention un documentaire dé-homogénéisant la représentation des Noires, la réalisatrice a été obligée de faire appel au financement participatif sur Internet.
Les projections du film commenceront mi-décembre 2016, tout compte fait, c’est-à-dire, une levée de fonds de près 18 000 € et pas mal de sueur bénévole, comme toujours dans un guérilla film.
Cher tout le monde, femmes, hommes et tant d’autres, pour ce qui en est de sa bio, disons qu’Amandine Gay est est née sous X et a été adoptée par un couple de Français blancs, une institutrice et un balayeur qui sont des enfants d’ouvriers. Ayant grandi dans la petite classe moyenne, elle a débarqué à l’institut d’Études politiques de Lyon, sans posséder les codes tralala de la bourgeoise et le bagage culturel associé, genre, comme elle raconte, dans une vidéo, qui est Pina Bausch.
Notez, si elle avait su que Pina Bausch était une danseuse et chorégraphe allemande qui a révolutionné les arts de la scène et le rapport au corps du danseur, elle aurait également suscité l’étonnement. Être noir, c’est n’être jamais exact, toujours trop ou pas assez cultivé du point de vue de la norme ou du mythologique bandit Procuste qui contraint les étrangers à s’allonger sur son lit maléfique pour couper les membres dépassant du lit et allonger les membres trop courts. Le refus du groupe dominant de s’interroger sur cette inexactitude, qui n’est évidente que pour lui, est un carburant de la reproduction du racisme qui ne consiste pas, forcément, à jeter des cailloux aux Noirs ou, comme ça s’est vu, dans les années 50 et 60, en Belgique, en plaçant sur la porte des cafés et des restaurants, l’inscription : interdit aux… Italiens (entendez les immigrés). Au quotidien, c’est plutôt la violence translucide des microvexations imprévisibles, du deux poids deux mesures, de la partialité opportuniste, du refus d’accorder du crédit à la compétence, l’initiative, le diplôme ou la simple prise de parole… Mais, percevoir l’autre comme d’emblée incapable ou incompréhensible, c’est omettre qu’il peut être aussi connaissant où on est soi-même trop ignorant pour l’entendre et comprendre qu’on ne comprend pas, c’est incarner le principe socratique : La pire ignorance est celle qui s’ignore. Dans un article précédent, sur les incompréhensions entre parents de couleur différente, j’ai souligné qu’en tant que valide, je suis moins éclairée sur les enjeux de la mobilité urbaine qu’une personne en fauteuil roulant. Il en va de même de l’expérience subjective et du savoir objectif des transgenres, des autistes, des fous…
Comment, en vient-on à oublier que l’humilité est l’étape préliminaire de la connaissance, sinon par habitude ou inconscience de se croire meilleur ? Dans Crépuscule du tourment, paru chez Grasset en 2016, Léonora Miano écrit p. 152-153 :
[…] inutile de dire quoi que ce soit, c’était ainsi, les gens ne se rendaient même pas compte de leur comportement, ils ne voyaient pas, ça tombe sous le sens, les traits de leur visage se défaire en présence de Noirs, rester désunis quoi qu’ils fassent pour se recomposer une mine quand, sur leurs faces perturbées, l’embarras prenait diverses formes, celles de la culpabilité, celle de la condescendance, celle de la certitude de nous être supérieurs dans tous les cas, c’était cela par-dessus tout qui m’horripilait, cette chose désormais ancrée dans l’inconscient blanc, il n’y a pas d’autre mot pour désigner ce virus, cette maladie de l’esprit qui fait que, confronté à une différence superficielle, celle de la couleur, on éprouve le sentiment d’une altérité négative […]
En lisant son site web, généreusement documenté sur sa vie, on comprend qu’à la fac de Sciences Po, Amandine Gay, la petite-fille d’ouvriers, ne s’est pas plus mortifiée que l’écrivain Marcel Moreau, fils de couvreur, né en 1933, Belgique dans le Borinage minier :
Mes yeux ne se sont pas ouverts sur des rideaux de mousseline, sur des meubles Louis XV, sur des pendulettes Empire. Je ne regrette rien même s’il m’est douloureux de songer que je n’ai pas pu vomir sur un bavoir en dentelle de Bruges le lait aseptisé de la bourgeoisie. J’en suis même heureux, tant il est vrai que la beauté donnée m’eût caché la beauté secrète, celle que pied à pied, j’ai dû conquérir à la fois contre la désolation ambiante et les raffinements conventionnels. (L’Ivre livre, p.59-60, Christian Bourgois éditeur, 1973)
Amandine Gay s’est installée au Canada. Bien qu’elle critique la situation des Amérindiens, elle reconnaît que dans ce pays les questions raciales, étant moins taboues, le débat avance.
Paix chante la puissante Catherine Ribeiro de sa voix volcanique de sorcière rouge possédée, j’aime à imaginer, par l’esprit libre de la reine poétesse Anacanona qui fut cacique du Xaragua à Hispaniola (les actuelles Haïti et République dominicaine) :
Paix à celui qui hurle parce qu’il voit clair
Paix à nos esprits malades, à nos coeurs éclatés
Paix à nos membres fatigués, déchirés
Paix à nos générations dégénérées
Paix aux grandes confusions de la misère
Paix à celui qui cherche
En se frappant la tête contre des murs en béton.
Une des particularités des discriminations, comme de toute forme d’injustice, c’est que leur gravité n’est pas statique. Une discrimination va toujours en s’aggravant à moins qu’un effort sociétal ne les fasse régresser.
Quand les Français se sont révoltés en 1789, ils n’étaient pas disposés à accepter leur condition au seul motif qu’elle était plus enviable que celles des sujets d’autres monarques. Dans le cas contraire, ils n’y auraient gagné qu’une aggravation de leur situation. Et nous, leurs descendants, où en serions-nous aujourd’hui? Est-ce que notre peuple existerait encore?
Une discrimination est une atteinte directe ou indirecte aux droits individuels et collectifs de chacun. Celui qui reproche à qui que ce soit de se défendre contre les discriminations dont il est victime en est complice. Personne n’est en droit de commettre des discriminations.
Oui, et les discriminations revêtent aussi des visages qui échappent à l’attention ou plutôt l’inattention des personnes qui n’en sont pas les cibles directes et qui, contre tout bon sens, se réfèrent aux formes historiques de dévalorisation, sans envisager que le racisme, l’homophobie, le sexisme d’aujourd’hui dont la sournoiserie est d’autant plus efficace. Effectivement la passivité est l’alliée du phénomène illicite. Voilà bien ce qu’à pointé Martin Luther King dans sa célèbre Lettre de la geôle de Birmingham où il exprime sa déception face aux Blancs modérés : « Comment pouvez-vous recommander de violer certaines lois et d’en respecter certaines autres ? ». Ce constat peut être étendu aux différentes catégories de discrimination. Souvenons-nous de la fameuse formule d’Edmund Burke : Pour triompher, le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de bien.